Yves Lenders
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Le 22 février 2024, la Chambre des représentants a adopté les projets de loi introduisant le Livre Ier et le Livre II Code pénal. À terme, le nouveau code remplacera l'actuel Code pénal de 1867. Le Livre Ier couvre les dispositions générales du droit pénal et le Livre II couvre les infractions de droit commun et leurs peines. La réforme vise à créer un Code pénal moderne et répondant aux défis du futur.
La réforme du Code pénal a été un processus de longue haleine. En effet, le Code pénal date de 1867 et les projets de loi finalement adoptés ont été précédés par de nombreuses tentatives de réforme du Code pénal de 1867 qui n'ont pas abouti.
Il sera abordé dans cet e-zine un certain nombre d’éléments introduits par le nouveau code.
Le Livre I du nouveau Code pénal ("Nouveau C. pén.") contient les dispositions générales du droit pénal, telles que celles relatives à l’élément matériel et moral de l'infraction, la qualité d’auteur, la participation punissable, la tentative et les différentes peines. Un certain nombre de dispositions du Livre I peuvent sembler familières car elles correspondent dans une certaine mesure à des dispositions du Code pénal actuel ou constituent une codification de la jurisprudence. Néanmoins, des ajustements ou des simplifications ont été apportés aux concepts existants.
Un certain nombre de concepts ont déjà été modifiés récemment et ne seront pas réformés en profondeur dans le nouveau code. C'est le cas par exemple de la responsabilité pénale des personnes morales.
En revanche, d'autres dispositions et concepts ont été remaniés. Un premier exemple est la suppression de la division tripartite classique entre crimes, délits et contraventions. Dans le nouveau code, cette distinction disparaîtra et le terme d’infractions sera utilisé. Cela permettra, entre autres, de mettre fin à la correctionnalisation constante et qui conduit, par exemple, à ce que l’infraction de faux en écriture, un crime dans l'ancien Code pénal, soit réduite à un délit et soit donc toujours traitée par un tribunal correctionnel.
Une disposition particulièrement pertinente est l'article 7 du Nouveau C. pén. Cette disposition concerne l’élément moral d’une infraction. Au minimum, l’élément moral implique la conscience d’agir et le libre arbitre de l’auteur de l’infraction. Cette disposition précise en outre que la loi peut imposer des conditions supplémentaires pour satisfaire à l’exigence de l’élément moral. Cet article traite non seulement du dol général ou du dol spécial, mais aussi de l’élément moral des infractions non intentionnelles. En ce qui concerne ces dernières infractions, il est fait explicitement référence à la notion de faute lourde. Cette notion se définit comme étant le défaut grave de prévoyance ou de précaution. Actuellement, la faute légère suffit encore pour, par exemple, les homicides involontaires et les coups et blessures involontaires, mais le nouveau code place la barre plus haut. De cette manière, l'unité de la faute pénale et de la faute civile prendra fin pour un certain nombre d'infractions. Les lois spéciales peuvent encore incriminer le simple défaut de prévoyance ou de précaution en vertu de l'article 78 du Nouveau C. pén.
Une autre nouveauté pertinente est l'extension de la tentative punissable à toutes les infractions intentionnelles. Actuellement, si les tentatives de crime sont punissables, les tentatives de délits ne le sont pas, sauf si la loi le prévoit. Par conséquent, une tentative d'escroquerie, par exemple, est punissable, mais une tentative d'abus de confiance ne l'est pas. Cette distinction disparaît donc. Toutefois, pour les dispositions pénales incluses dans des lois spéciales, cette extension doit être lue conjointement avec les articles 77 et 78 du Nouveau C. pén.
Les règles relatives à la qualité d’auteur et à la participation punissable ont également été modifiées. Le nouveau code prévoit différentes formes de participation. Par exemple, une personne physique ou morale qui contribue sciemment et volontairement de manière significative à une infraction est punissable si elle s'abstient d'agir et que, de ce fait, elle a directement favorisé ou facilité la commission de l’infraction. Le nouveau régime abandonne la distinction entre coauteurs et complices, et les participants peuvent être punis comme les auteurs.
Sont également consacrés de manière innovante les objectifs de la peine. Les juges sont tenus de rechercher une juste proportionnalité entre l’infraction et la peine et de prendre en compte les effets secondaires indésirables de la peine. Par exemple, l'impact sur les employés peut être pris en compte lors de la sanction d'une personne morale.
Une autre innovation se trouve dans les peines applicables aux personnes physiques et morales. Dans un souci de clarté et de cohérence des peines, une échelle des peines principales, divisée en huit niveaux de peine, sera introduite. En ce qui concerne les personnes morales, le mécanisme de conversion de l'article 41bis du Code pénal actuel fera place à des niveaux de peines principales distincts. Ainsi, les peines applicables aux personnes physiques ne devront plus être converties pour obtenir la peine applicable aux personnes morales. Par exemple, pour une personne physique, le niveau 3 correspond à une peine d'emprisonnement de plus de trois ans à cinq ans ou d’un traitement sous privation de liberté de plus de deux ans à quatre ans. Pour les personnes morales, le niveau 3 correspond à une amende de plus de 360 000 euros à 600 000 euros au plus.
En appliquant des circonstances atténuantes, il est possible de descendre à des niveaux de peine inférieurs. Par exemple, une peine principale de niveau 3 pourra être réduite à une peine de niveau 1. Par ailleurs, le juge ne peut pas imposer une peine d'emprisonnement pour des infractions passibles d'une peine principale de niveau 1. Pour les personnes morales, la possibilité d'imposer une peine de prestation en faveur de la communauté sera introduite, similaire à la peine de travail pour les personnes physiques.
Le nouveau code prévoit également un certain nombre de peines complémentaires facultatives ou obligatoires, telles que l'amende accessoire ou la confiscation, l'interdiction professionnelle ou encore la fermeture d’établissement.
Le juge pénal a également la possibilité d'imposer - au lieu d'une amende accessoire - une peine pécuniaire déterminée sur la base du profit escompté ou obtenu de l’infraction, lorsque l'infraction commise visait à obtenir un avantage patrimonial (in)direct. Cette peine est imposée lorsque le juge pénal estime qu'une amende accessoire est insuffisante pour assurer une juste répression. Dans ce cas, le juge pénal peut condamner chacun des auteurs de l'infraction au paiement d'une somme correspondant au maximum au triple de la valeur de l’avantage patrimonial que l’auteur ou les auteurs ont tiré ou espéraient tirer (in)directement de l’infraction. Cette peine peut s'ajouter à la confiscation. La pratique montrera la fréquence avec laquelle les cours et tribunaux imposeront une telle sanction pécuniaire, notamment en raison de leur devoir de rechercher une juste proportionnalité entre l’infraction et la peine.
Lorsque la nouvelle législation entrera en vigueur, les décimes additionnels seront fixés à zéro, de sorte que, au moins temporairement, les amendes prévues par le nouveau code ne devront pas être multipliées par huit, comme c'est le cas actuellement.
Les règles régissant la relation entre le Livre I et la vaste législation pénale spéciale contenue dans des normes autres que le Code pénal sont importantes pour le droit pénal des affaires. En l'absence de dispositions contraires dans les lois et règlements particuliers, les dispositions du Livre I sont applicables aux infractions qui y sont punies. Le nouveau code introduit en outre un mécanisme de conversion. Celui-ci servira à convertir et à déterminer les niveaux de peine dans les lois spéciales qui n'utilisent pas les niveaux de peine 1 à 8. Il peut s'agir, par exemple, du Code de droit économique ou du Code pénal social. Les amendes prévues par les lois spéciales sont également soumises à des règles spécifiques. Par exemple, si la législation spéciale prévoit une amende comme peine accessoire à la peine principale, le montant de l'amende est régi par cette législation spéciale (multiplié par les décimes additionnels). En ce qui concerne la tentative, la participation punissable et les circonstances atténuantes, le nouveau code contient également des règles spécifiques relatives aux dispositions pénales dans les lois spéciales.
Le Livre II du nouveau Code pénal comprend les incriminations relatives aux violations des valeurs et des normes les plus essentielles de notre société. C’est pourquoi il s’agit, selon le législateur, en grande mesure du reflet des valeurs et normes dignes de protection dans notre société. La réforme comprend la dépénalisation ou la décriminalisation de certaines infractions, l'introduction de nouvelles infractions, la modification des peines pour certaines infractions ou l'adaptation des dispositions pénales afin de former un ensemble cohérent dans le nouveau Code pénal et/ou pour mieux refléter la réalité.
L'écocide est l’une de ces nouvelles notions. L’écocide est la commission délibérée, par action ou par omission, d'un acte illégal causant des dommages graves, étendus et à long terme à l'environnement. Pour être érigé en infraction pénale, l'acte doit être intentionnel et la personne (physique ou morale) doit savoir que cet acte causera de tels dommages à l'environnement. Pour l’application de cette nouvelle infraction, les notions de dommages environnementaux graves, à étendus et à long terme sont inscrites dans la législation. Ainsi, pour être qualifiés d'écocide, les dommages doivent notamment (i) être irréversibles ou ne pas pouvoir être réparés par régénération naturelle dans un délai raisonnable (dommage à long terme) et (ii) s'étendre au-delà d'une zone géographique limitée (dommage étendu). En outre, l'acte n'est punissable en droit belge que dans la mesure où il constitue une infraction à la législation fédérale ou à un instrument international ou si l’acte ne peut pas être localisé en Belgique. La compétence des régions en matière de protection de l'environnement limite donc fortement la portée de l'infraction.
Une autre nouveauté est la dissimulation de preuves. Cette infraction comprend la destruction, la dissimulation ou la soustraction à l'enquête d'objets sur lesquels ou avec lesquels l'infraction a été commise ou d'autres traces de l'infraction ou d'objets qui pourraient servir à découvrir la vérité. L’élément moral requis est l’intention d’occulter une infraction commise par un tiers ou d’en empêcher ou d’en rendre plus difficile la recherche, la poursuite ou la répression.
D'autres infractions existantes ont également été modifiées. Ainsi, le trouble à la liberté des enchères et des soumissions a été reformulé et élargi. La nouvelle infraction est définie comme suit : "L’entrave ou le trouble à la liberté des enchères et des soumissions consiste, à l’occasion de l’adjudication de droits sur des choses mobilières ou immobilières, d’une entreprise, d’une fourniture, d’une exploitation ou d’un service quelconque ou lors de la passation d’un marché public ou d’un contrat de concession, à, frauduleusement ou avec l’intention de nuire, par violences, menaces ou tout moyen frauduleux, limiter artificiellement l’appel à la concurrence ou fausser les conditions normales de la concurrence". Dans le nouveau code, les faux en écritures et les faux en informatique seront réécrits et inclus dans un seul article, contrairement à ce qui est prévu actuellement. En ce qui concerne les infractions d'insolvabilité, il convient de noter que les niveaux de sanction de plusieurs infractions, actuellement passibles d'une peine d'emprisonnement, sont ramenés au niveau 1. Les dispositions relatives au blanchiment d'argent sont également à nouveau modifiées.
D'autres dispositions relatives aux infractions ont déjà été mises à jour récemment et ne font pas actuellement l'objet de changements significatifs. Par exemple, l'abus de confiance a déjà été réécrit par la loi du 12 juillet 2023. Les modifications législatives récentes de cette infraction ainsi que d'autres infractions contre les biens seront évidemment abordées lors de notre webinaire sur la fraude interne aux entreprises du 24 avril 2024.
A l'exception des dispositions relatives au traitement privatif de liberté et au suivi prolongé, les Livres I et II du nouveau code entreront en principe en vigueur deux ans après leur publication au Moniteur belge. Lors des discussions parlementaires des projets de loi, il est déjà apparu que ce délai était ambitieux, notamment en raison des adaptations nécessaires à d'autres lois et des divers changements techniques requis au sein des systèmes informatiques de la justice. En tout état de cause, le Code pénal actuel conservera sa pertinence pendant un certain temps : pour les infractions commises avant l'entrée en vigueur du nouveau code, la question se pose de savoir quelles dispositions doivent s'appliquer compte tenu de l'obligation d'appliquer les dispositions les plus favorables à la personne poursuivie.
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