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Le Service Public Fédéral Stratégie & Appui publie des recommandations sur le traitement des hausses de prix dans les marchés publics

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La pandémie, les perturbations du commerce international et récemment le conflit en Ukraine entraînent des hausses de prix importantes et des problèmes d'approvisionnement en produits finis, produits manufacturés et matières premières. Les marchés publics sont également impactés. Le Service Public Fédéral Stratégie & Appui a publié, le 16 mai courant, quelques recommandations à l'intention des pouvoirs adjudicateurs et des entrepreneurs sur la manière de faire face à cette situation.

Le motif des recommandations

Dans ses recommandations (voir ici), le SPF Stratégie & Appui souligne des perturbations dans l'approvisionnement en divers produits et matériaux (par exemple, le bois, le carburant, l'acier, etc.), qui ont été exacerbées par le conflit en Ukraine. Ces perturbations entraînent des hausses et des fluctuations de prix ainsi que des retards dans l'approvisionnement. Tant les marchés de travaux que les marchés de fournitures et de services (y compris les services liés à certains travaux, tels que mentionnés à l'annexe 1 de l’AR Exécution) sont concernés.  Les conséquences pour les pouvoirs adjudicateurs et les adjudicataires sont de deux ordres :

  • Lors de la passation, il est très difficile de maintenir les prix proposés durant la période d'engagement (surtout lorsque celle-ci est prolongée à l'initiative du pouvoir adjudicateur par rapport à la période standard de 90 jours). Le marché se caractérise par de très fortes fluctuations de prix, avec parfois des délais de prise de décision très courts du fait des fournisseurs (quelques heures seulement sont parfois proposées) ;
  • En cours d'exécution, les fluctuations de prix rendent obsolète la clause de révision des prix prévue dans le cahier des charges : elle s'avère inadéquate, basée sur des indices erronés ou tout simplement absente (par exemple, dans le cas de fournitures et de services non visés à l'annexe 1 de l’AR Exécution, il n'y a pas d'obligation de prévoir une clause de révision des prix).

Il est évident que ce problème perturbe l'équilibre (pré)contractuel et menace l'ensemble de la chaîne contractuelle. En outre, elle touche à un principe fondamental du droit des marchés publics, à savoir le caractère forfaitaire ou forfaitisable du prix (art. 10 Loi sur les marchés publics).

Les recommandations relatives aux marchés en cours

L'adaptation de la clause de révision des prix (ou son inclusion)

L’AR Exécution exige que la clause de révision des prix soit basée sur des paramètres objectifs et contrôlables et utilise des coefficients de pondération appropriés, de sorte qu'elle reflète la structure réelle des prix (art. 38/7 AR RGE). Le SPF Stratégie & Appui note que les clauses de révision des prix, par leur nature même, n'offrent qu'une solution différée aux hausses de prix, étant donné que les paramètres sous-jacents ne sont pas ajustés quotidiennement et que le calendrier de paiement a souvent une fréquence différente. Ceci constitue une raison suffisante selon le SPF Stratégie & Appui pour réviser cette clause. Cela peut se faire de différentes manières :

  • Remplacer ou modifier la clause existante, par exemple en remplaçant l'indice "I" (matériaux de construction) dans la formule de révision des prix fréquemment utilisée (bien qu'à l'époque prescrite) par des paramètres plus personnalisés, mieux adaptés aux matériaux utilisés, par exemple pour les constructions à ossature bois ou en acier ;
  • Adapter l’application de la clause dans le temps, par exemple mettre à jour le mois de référence, un paiement provisoire suivant alors sur la base du mois de référence mais avec un décompte sur la base du mois au cours duquel la prestation a été réalisée ;
  • Répercuter le prix réel, même si le SPF Stratégie & Appui rappelle à juste titre qu'il s'agit d'un mécanisme exceptionnel (cf. art. 9, deuxième alinéa Loi sur les marchés publics). Selon le SPF Stratégie & Appui, cela n'est possible que lorsque les conditions de l'article 38/9 de l'AR RGE (circonstances imprévisibles dans le chef de l'adjudicataire) sont remplies. Dans ce cas, il ne s'agit pas de l'application d'une quelconque clause de révision des prix, mais d'un coût supplémentaire imprévu.

La question se pose de savoir si l'adaptation de la clause de révision des prix constitue une modification substantielle au sens de l'article 38/6 AR RGE. À cet égard, le SPF Stratégie & Appui se réfère à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui stipule que les clauses de révision des prix qui s'écartent de la structure réelle des prix sont nulles, de sorte que les parties sont tenues de procéder à des ajustements dans ce cas (voir les arrêts du 13 septembre 2001, du 18 mars 2005 et du 23 mars 2006).

Les fluctuations de prix comme circonstances imprévisibles (art. 38/9 AR Exécution)

Selon le SPF Stratégie & Appui, les fluctuations soudaines des prix constituent des circonstances imprévisibles au sens de l'article 38/9 de l'AR Exécution. Lire : cette situation de marché est étrangère aux pouvoirs adjudicateurs et perturbe l'équilibre contractuel au détriment de l'adjudicataire. De plus, elle n'était pas prévisible au moment de la soumission des offres et ne peut être corrigée par l’adjudicataire, malgré tous les efforts déployés en ce sens. Par conséquent, le SPF Stratégie & Appui conseille aux adjudicataires de notifier en temps utile (càd. dans les 30 jours suivant la hausse de prix) l'augmentation, y compris une brève estimation de l'impact sur le prix et/ou les délais d'exécution (art. 38/14 AR Exécution). Ce délai de notification est important, car les demandes tardives sont rejetées comme irrecevables, que le pouvoir adjudicateur ait eu ou non connaissance de l'augmentation (art. 38/15 AR Exécution). En substance, le SPF Stratégie & Appui conseille aux adjudicataires d'utiliser la même tactique que dans le cas de la pandémie de COVID-19 (voir ici). 

À notre avis, il ne s’agit pas toujours de la meilleure solution. Le SPF Stratégie & Appui admet lui-même qu'il n'est pas facile de déterminer la date de prise de cours de la période de 30 jours. En outre, nous constatons que, tout comme au moment de la pandémie, le caractère imprévisible de la hausse des prix peut faire l'objet de nombreuses discussions. Il s'agit à tout le moins d'augmentations qui ne sont pas (ou ne peuvent pas être) couvertes par la clause de révision des prix, étant donné qu’elles sont par définition prévues.

On remarque que le SPF Stratégie & Appui voit aussi dans l'article 38/9 AR Exécution une base légale pour effectuer des paiements provisoires. En effet, le délai de 90 jours à compter de la réception provisoire, dans lequel l’adjudicataire peut introduire des claims en raison de circonstances imprévues (cf. art. 38/16 AR Exécution), a pour conséquence une indemnisation ex post, dont le financement provisoire incombe à l'adjudicataire. Toutefois, selon le SPF Stratégie & Appui, des provisions supplémentaires peuvent être versées, pour une durée limitée et sous réserve d'une évaluation ultérieure, sur la base de la demande initialement soumise par l’adjudicataire (cf. art. 38/14 ci-dessus). Cela implique un accord entre les parties sur un éventuel remboursement des provisions payées en trop, si nécessaire par le biais d'une rétention ou du cautionnement.  La question se pose de savoir comment cela se rattache à la notion des avances (cf. art. 67 AR Exécution), qui se rapportent certes à des prestations non encore fournies, mais non à des services prestés de manière plus coûteuse.

L'utilisation d'autres motifs de modification afin de surmonter les fluctuations de prix (art. 38/2, 38/4 ou 38/5 AR Exécution)

Très brièvement, le SPF Stratégie & Appui souligne que d'autres motifs de modification, prévus aux articles 38 et suivants de l'AR Exécution, peuvent également offrir une solution. Il s'agit des   évènements imprévisibles dans le chef de l'adjudicateur (art. 38/2), des modifications de faible importance (l'exception dite de minimis ; art. 38/4) ou des modifications non substantielles (art. 38/5). Celles-ci nous semblent des pistes moins valables : l'imprévision dans le chef de l’adjudicataire nécessite une initiative du pouvoir adjudicateur et, au moins dans les secteurs traditionnels, il existe une limitation de l'augmentation de prix admissible (50%). La modification de minimis, en revanche, est une bonne solution, mais il faut tout de même être attentif, car les seuils financiers (seuil de publication européenne et 10 %, le cas échéant 15%, de la valeur initiale) sont calculés sur toute la durée du contrat. Puisque les modifications qui modifient l'équilibre économique contractuel en faveur de l’adjudicataire sont en principe des modifications substantielles qui ne peuvent être acceptées que sur la base d'un des motifs de modification des articles 38 et suivants de l'AR Exécution, l'exception d'une modification non substantielle semble apporter une moins bonne solution. Il est vrai, cependant, que les motifs de modification peuvent être combinés au sein d'un seul et même marché, de sorte que lorsque l'autorité adjudicatrice le souhaite, des solutions adéquates peuvent être trouvées. L’autorité sera donc parfois confronté à un choix : ne pas faire exécuter le marché plus avant, ou l'exécuter plus lentement, ou à un prix (sensiblement) plus élevé.

Le raccourcissement des délais de paiement

Là où les délais de paiement ne peuvent, en principe, pas être prolongés (cf. art. 9, §2 AR Exécution), ils peuvent bien être raccourcis. De cette manière,  un peu d'oxygène peut également être donné aux adjudicataires ayant des problèmes de liquidités. C'était également une solution recommandée lors de la pandémie de COVID-19. En tout état de cause, le SPF Stratégie & Appui attire l'attention des adjudicateurs sur le fait que les retards de paiement entraînent des intérêts moratoires obligatoires (art. 69 AR Exécution).

Les recommandations quant aux marchés futurs

Le SPF Stratégie & Appui est ici très bref. Outre la suggestion que les soumissionnaires tiennent compte des prix volatils, il est recommandé d'inclure une clause de révision des prix dans les documents d'appel d'offres, même quand elle n'est pas obligatoire. Cette clause devra alors tenir compte des conditions fluctuantes du marché (voir ci-dessus). En outre, il est recommandé de prévoir une clause de material adverse change qui est mieux adaptée aux circonstances imprévues que l'article 38/9 AR Exécution. Alternativement, selon le SPF BOSA, une clause de révision spécifique pour certains matériaux ou matières premières (par exemple, le carburant, l'énergie ou l'acier) peut être prévue, qui permet des ajustements de prix en dehors de la clause de révision des prix (sur la base de l'art. 38 AR Exécution). Le recours à des périodes d'engagement plus courtes n'est pas mentionnée.

Vous voulez en savoir plus? Envoyer un email à publicprocurement@lydian.be.

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