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Modifications en matière de protection contre la discrimination et des risques psychosociaux sur le lieu de travail

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Le 16 février 2023, le projet de loi modifiant les différentes lois en matière de discrimination et la loi sur le bien-être au travail a été approuvé par la Chambre des représentants. 

Cette nouvelle loi fait suite à une jurisprudence récente de la Cour de justice de l’Union européenne, à une procédure d'infraction engagée contre la Belgique par la Commission européenne et à une jurisprudence récente de la Cour de cassation. 

La loi entrera en vigueur en principe le 1er mars ou le 1er avril 2023 (selon la date de publication au Moniteur belge). 

Nous vous expliquons ci-dessous les principaux changements. 

1. EXTENSION DE LA PROTECTION CONTRE LE LICENCIEMENT AU CONTENU D'UNE DEMANDE, D’UN SIGNALEMENT, D'UNE PLAINTE OU D'UNE ACTION EN JUSTICE

Un travailleur qui a introduit une demande d'intervention psychosociale formelle en vertu de la législation en matière de bien-être au travail, ou qui a fait un signalement, déposé une plainte ou intenté une action en justice en vertu de la législation anti-discrimination en raison d'une discrimination alléguée, bénéficie d'une protection contre les mesures préjudiciables. Jusqu'à présent, la législation en la matière prévoyait que l'employeur ne pouvait pas mettre fin au contrat de travail d'un tel travailleur, sauf pour des raisons étrangères à la demande, au signalement, à la plainte ou à l'action en justice. 

La portée exacte de cette mesure de protection a fait l'objet de controverses dans la jurisprudence et la doctrine juridique. 

  • Selon une position majoritaire, il serait non seulement interdit de licencier le travailleur pour des raisons liées à la demande, au signalement, à la plainte ou à l'action en justice, mais il serait également interdit de licencier le travailleur pour des raisons découlant des faits qui y sont repris. 
  • Selon une position minoritaire, cela reviendrait à ajouter une condition à la loi. 

Par ses arrêts du 20 janvier 2020 et du 15 juin 2020, la Cour de Cassation s'est rangée du côté de la position minoritaire. Ainsi, selon la Cour, un licenciement peut être justifié par des motifs qui peuvent être déduits des faits invoqués dans la demande, le signalement, la plainte ou l'action en justice.

Comme le législateur considérait que la position de la Cour de Cassation avait pour effet de réduire considérablement la protection du travailleur, ce qui porterait atteinte à l'objectif principal de cette protection, la législation a été modifiée. Désormais, la loi prévoit explicitement que le licenciement ne doit non seulement avoir aucun lien avec la demande, le signalement, la plainte ou l'action en justice, mais qu’il doit également être étranger à son contenu. 

À faire : Les employeurs qui envisagent de licencier un travailleur protégé doivent donc veiller à ce que les motifs du licenciement ne puissent être liés au contenu de la demande, du signalement, de la plainte ou de l'action en justice. 

2. EXTENSION DES PERSONNES PROTÉGÉES CONTRE LES REPRÉSAILLES

Dans l'arrêt Hakelbracht du 20 juin 2019, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que le système de protection belge était inadéquat car il se limitait aux témoins officiels pouvant produire un document signé et daté concernant leur témoignage. La Commission européenne avait également engagé une procédure d'infraction contre la Belgique à cet égard. 

À la suite de l'arrêt et de la procédure d'infraction susmentionnés, la loi a étendu le système de protection contre les représailles aux personnes qui expriment leur soutien ou prennent la défense de la personne qui a introduit une demande, fait un signalement, déposé une plainte ou intenté une action en justice concernant la discrimination ou les risques psychosociaux sur le lieu de travail. 

Cette protection requiert qu’un soutien actif soit apporté, par exemple en défendant la victime lors d'une discussion avec un supérieur hiérarchique ou en informant le service des ressources humaines de la situation. Une personne qui ne fait qu’apprendre les faits mais qui n’utilise pas cette connaissance au profit de la victime n'est pas protégée contre les mesures préjudiciables. Un tel rôle actif est nécessaire pour que l'employeur sache, ou puisse raisonnablement savoir, que le travailleur a effectivement agi en faveur de la victime et qu’il est donc protégé. 

A faire : Gardez à l'esprit que même les témoins "informels" sont protégés contre les représailles. 

3. CUMUL DES DOMMAGES ET INTÉRÊTS

Il existait une discussion quant à la possibilité de cumuler les dommages et intérêts pour discrimination ou exposition à un risque psychosocial et les dommages et intérêts en raison d’une mesure de représailles (par exemple un licenciement) découlant d’une demande, d’un signalement, d'une plainte ou d'une action en justice. 

Pour mettre un terme à cette discussion, le législateur a désormais prévu explicitement cette possibilité de cumul dans la loi, l'idée étant que ces dommages et intérêts ne couvrent pas les mêmes dommages.

L’exemple suivant permet  de clarifier cela : Une travailleuse est victime de discrimination en raison de sa grossesse ou de harcèlement de la part de son supérieur hiérarchique. Elle réclame et obtient des dommages et intérêts pour discrimination ou harcèlement. L'employeur, contrarié par cette situation, licencie la travailleuse. Dans ce dernier cas, la travailleuse subit un autre dommage et peut à nouveau demander et obtenir des dommages et intérêts à cet égard. 

A faire : Prendre en compte la possibilité de cumul de ces dommages et intérêts en cas de mesure de représailles. 

4. POSSIBILITÉ AU LIEU D’OBLIGATION DE DEMANDER LA RÉINTÉGRATION

En vertu de la législation anti-discrimination actuelle, un travailleur est en principe tenu de présenter une demande de réintégration ou une demande d'exécution de son travail dans les mêmes conditions qu’auparavant pour avoir droit à des dommages et intérêts pour les mesures de représailles prises à son encontre. 

Cette demande deviendra facultative en vertu de la nouvelle législation. Elle permettra ainsi aux travailleurs d'obtenir plus facilement des dommages et intérêts en cas de mesures de représailles. 

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