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La réforme des implantations commerciales en région wallonne

1. INTRODUCTION

Le 13 décembre 2023, la Région wallonne a adopté un décret « modifiant le Code du Développement territorial et le décret du 6 novembre 2008 portant rationalisation de la fonction consultative et abrogeant le décret du 5 février 2015 relatif aux implantations commerciales » (M.B., 7 mars 2024) (ci-après le Décret de 2023).

Le Décret de 2023 réforme le régime des implantations commerciales en Région wallonne en abrogeant le décret du 5 février 2015 relatif aux implantations commerciales (ci-après le Décret de 2015) et en intégrant les règles relatives aux implantations commerciales au Code du Développement territorial (ci-après le CoDT).

Les implantations commerciales ne sont plus soumises à un régime d’autorisation autonome, mais nécessitent l’obtention d’un permis d’urbanisme. Le nouveau régime fusionne donc les polices administratives des implantations commerciales et de l’aménagement du territoire.

Par ailleurs, une nouvelle version du schéma de développement du territoire (« SDT ») a été adoptée par le Gouvernement wallon, qui y a intégré un volet commercial. L’adoption de nouveaux schémas de développement pluricommunal (« SDPC ») et communal (« SDC ») est également prévue. 

Selon les travaux préparatoires, le nouveau régime s’inscrit dans la volonté du législateur wallon d’adapter le CoDT aux objectifs de réduction de l’étalement urbain, de limitation de l’artificialisation et de l’optimisation de la gestion du territoire wallon. L’implantation commerciale sera appréhendée au travers des critères visant à assurer un développement durable et attractif du territoire, tels qu’ils découlent du CoDT (Doc. parl., Parl. w., session 2023-2024, 29 septembre 2023, exposé des motifs, 1479, n° 1, pp. 3 et 11).

 

2. NOTION D’IMPLANTATION COMMERCIALE

La notion d'implantation commerciale évolue en fonction des changements législatifs qui lui sont consacrés. Toutefois, elle renvoie principalement à l’idée d’un établissement commercial de taille significative, communément appelée « grande surface ».

La réglementation encadrant les implantations commerciales a pour objectif principal de réguler l’implantation de ces établissements commerciaux de taille significative, notamment afin de prévenir les déséquilibres locaux et d’assurer une répartition harmonieuse des activités commerciales. Au fil du temps, cette régulation a évolué et pris diverses formes.

À l’heure actuelle, les projets d’implantation commerciale sont énumérés à l’article D.IV.4, 8° du CoDT (cf. point 4.1 ci-dessous).

3. APERÇU DU NOUVEAU RÉGIME

3.1) Les implantations commerciales soumises à permis d’urbanisme

 

Conformément à l’article D.IV.4, al. 1er, 8° du CoDT :

« Sont soumis à permis d’urbanisme préalable écrit et exprès, de l’autorité compétente, les actes et travaux suivants :

(…) implanter un commerce de l’une des manières suivantes :

  1. réaliser une construction nouvelle qui prévoit l’implantation d’un établissement de commerce de détail d’une surface commerciale nette supérieure à quatre cents mètres carrés ;
  2. réaliser un projet d’ensemble commercial répondant à la surface définie au a), c’est-à-dire un ensemble d’établissements de commerce de détail, qu’ils soient situés ou non dans des bâtiments séparés et qu’une même personne en soit ou non le promoteur, le propriétaire, l’exploitant ou le titulaire du permis, qui sont réunis sur un même site et entre lesquels il existe un lien de droit ou de fait, notamment sur le plan financier, commercial ou matériel ou qui font l’objet d’une procédure commune concertée en matière de permis d’urbanisme ou de permis unique ;
  3. dans un établissement de commerce de détail ou un ensemble commercial ayant déjà atteint la surface définie au a) ou la dépassant par la réalisation du projet, réaliser un projet d’extension de plus de vingt pour cent de la surface commerciale nette existante, ou de plus trois-cents mètres carrés de surface commerciale nette supplémentaire ;
  4. réaliser un projet d’exploitation d’un ou plusieurs établissements de commerce de détail ou d’un ensemble commercial répondant à la surface définie au a) dans un immeuble existant qui n’était pas affecté à une activité commerciale ;
  5. modifier de manière importante la nature de l’activité commerciale d’un établissement de commerce de détail ou d’un ensemble commercial dans un immeuble déjà affecté à des fins commerciales existant et répondant à la surface définie au a) ».
3.2) Notion de modification importante de l’activité commerciale

 

L’article D.IV.4/1, § 3 du CoDT classe les commerces en trois catégories, de la plus sensible au regard du développement durable et attractif du territoire à la moins sensible :

  • Les commerces d’achats légers : il s’agit des commerces dans lesquels sont réalisés des achats non pondéreux et non volumineux relatifs à l’équipement de la personne, à l’équipement de la maison et aux loisirs (ex. : vêtements, chaussures, accessoires, soins du corps, multimédia, etc.)  ;
  • Les commerces d’achat alimentaire : il s’agit des commerces dans lesquels sont réalisés des achats de produits alimentaires pour répondre aux besoins de consommation personnelle (ex. : boucherie, boulangerie, traiteur, etc.) ;
  • Les commerces d’achat lourd : il s’agit des commerces dans lesquels sont réalisés des achats pondéreux ou volumineux relatifs à l’équipement de la maison et aux loisirs (ex. : mobilier, appareils électroménagers, bricolage, animaux, etc.).

L’article D.IV.4/1, § 3, in fine du CoDT précise que : « Un commerce appartient à la catégorie la plus sensible dont relève au minimum quinze pour cent des articles commercialisés ou plus de deux cents mètres carrés de surface commerciale nette ». À cet égard, l’Union des Villes et Communes de Wallonie donne « l’exemple d’un supermarché qui consacre au moins 200 m² de sa SCN à la vente de revues, de vêtements et de produits de soin de la personne. Ce supermarché ne sera pas considéré comme un commerce d’achats alimentaires, mais comme un commerce d’achats légers (catégorie la plus sensible) » (https://www.uvcw.be/amenagement-territoire/actus/art-9038, consulté le 17 octobre 2024).

L’article D.IV.4/1, § 4 du CoDT définit ensuit ce qu’il y a lieu d’entendre par une « modification importante de l’activité commerciale » soumise à permis d’urbanisme, à savoir :

« La nature de l’activité commerciale est modifiée de manière importante lorsque :

1° le commerce change de catégorie visée au paragraphe 3 ;

2° vingt-cinq pour cent ou plus des articles commercialisés changent de catégorie de la manière suivante :

a) d’achat lourd vers achat alimentaire ou achat léger ;

b) d’achat alimentaire vers achat léger ;

3° deux cents mètres carrés ou plus de surface commerciale nette changent de catégorie de la manière suivante :

a) d’achat lourd vers achat alimentaire ou achat léger ;

b) d’achat alimentaire vers achat léger ».

3.3) Le schéma de développement du territoire (« SDT »), le schéma de développement pluricommunal (« SDPC ») et communal (« SDC »)

 

En vue de réguler les implantations commerciales et en particulier, d’orienter leur localisation sur le territoire wallon en tenant compte des spécificités de ce dernier, une nouvelle version du schéma de développement du territoire (« SDT ») adoptée par arrêté du Gouvernement du 23 avril 2024 (M.B., 21 juin 2024), intègre désormais un volet commercial remplaçant le schéma régional de développement commercial du 29 août 2013, applicable jusqu’à sa révision.

Ce volet commercial comprend diverses recommandations par rapport à la localisation des commerces de détail et d’ensemble commercial, afin de privilégier leur implantation dans des zones spécifiques.

L’adoption de nouveaux schémas de développement pluricommunal (« SDPC ») et communal (« SDC ») est également prévue.

3.4) Éléments de procédure

 

En principe, l’autorité délivrante est le collège communal. Par exception, le fonctionnaire délégué est chargé de délivrer le permis (i) si la surface commerciale nette est supérieure ou égale à 1.500  m², si le projet s’implante, en tout ou en partie, en dehors d’une centralité définie par un schéma communal ou pluricommunal ou en l’absence de telle centralité ; ou (ii) si la surface commerciale nette est égale ou supérieure à 2.500 m², si le projet s’implante dans une centralité définie par un schéma communal ou pluricommunal (art. D.IV.22., al. 1er, 12°, du CoDT).

Une réunion de projet, en présence du fonctionnaire délégué, est obligatoire pour l’implantation d’un commerce dont la surface commerciale nette est égale ou supérieure (i) à 1.500 m² si le projet s’implante, en tout ou en partie, en dehors d’une centralité définie par un schéma communal ou pluricommunal, ou en l’absence de telle centralité ; ou (ii) à 2500 m² si le projet s’implante dans une centralité définie par un schéma communal ou pluricommunal (art. D.IV.31, § 5, 1° du CoDT).

Les avis de la direction des implantations commerciales, du collège communal des communes limitrophes et du pôle « Aménagement du territoire » sont requis lorsque la surface commerciale nette est égale ou supérieure à 1.000 m² (art. D.IV.35, al. 4 du CoDT). Le principe de l’évaluation économique du projet a été maintenu, notamment par le biais de cet avis de la direction des implantations commerciales.

Une enquête publique est obligatoire, sauf si la surface commerciale nette est inférieure à 400 m² (art. D.IV.40, al. 3 du CoDT).

Enfin, lorsque le recours est relatif à un projet d’implantation commerciale, la composition de la Commission d’avis sur recours a été complétée par un représentant d’une association de protection des consommateurs agréée conformément à l’article XVII.39, 2° du Code de droit économique, un membre de l’administration des transports, un représentant du développement urbain, deux représentants des partenaires sociaux tels que représentés au Conseil économique, social et environnemental de Wallonie (art. D.I.6/1. § 1er du CoDT).

3.5) Entrée en vigueur et dispositions transitoires
 

Le Décret de 2015 et le schéma régional de développement commercial du 29 août 2013 sont abrogés le 1er août 2024 (art. 119 de l’arrêté du Gouvernement wallon du 25 avril 2024, modifiant le Code wallon du développement territorial, M.B., 30 juillet). Le décret du 5 février 2015 reste d’application pour toutes les demandes relatives aux implantations commerciales introduites avant le 1er août 2024.

Dans la région de langue française, les demandes de permis d’implantation commerciale et de permis intégrés dont l’accusé de réception est antérieur à la date de l’abrogation du Décret de 2015 relatif aux implantations commerciales poursuivent leur instruction selon les dispositions en vigueur à cette date. Les permis délivrés valent permis d’urbanisme ou permis unique (art. 256 du Décret de 2023). À cet égard, l’administration a précisé que le simple dépôt est visé et non pas l’accusé de réception d’un dossier complet et recevable.

L’article D.IV.4, alinéa 1er, 8°, du CoDT, qui consacre les faits générateurs justifiant l’obtention d’un permis d’urbanisme, est entré en vigueur le 1er août 2024 .

Quant au SDT, son entrée en vigueur est différée sur une période de six ans pour l’ensemble des permis d’urbanisme, à moins que ces permis concernent un projet d’établissement de commerce de détail, tel qu’entendu par l’article D.IV.4, alinéa 1er, 8°, du CoDT. Dans ce dernier cas, le SDT est également en vigueur depuis le 1er août 2024. 

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