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Renforcement de la politique de retour au travail en cas d’incapacité de travail

CADRE GÉNÉRAL ET OBJECTIFS

Le gouvernement entend élaborer un plan global visant la prévention et la réintégration des personnes en incapacité de travail de longue durée.

L’accord de gouvernement a annoncé ce qui est qualifié de troisième vague de mesures, dont l’objectif est de renforcer la responsabilisation de l’ensemble des acteurs concernés et d’instaurer une coopération systématique entre eux : travailleurs, employeurs, organismes assureurs et prestataires de soins. Cette approche se concrétise par des adaptations tant du régime des prestations que du droit du travail, dans le but de réduire les absences de longue durée et de favoriser le retour au travail.

Un premier volet de ces mesures a été adopté hier par la Chambre dans le cadre du renforcement de la politique de retour au travail (politique « RAT »). La publication au Moniteur belge est toutefois encore attendue. La présente e-zine est consacrée à l’analyse de ces nouvelles règles.

En parallèle, le Code du bien-être au travail est modifié en ce qui concerne les aspects pratiques de la politique RAT. L’arrêté royal y afférent doit également encore être publié au Moniteur belge.

Entre-temps, dans le cadre de l’accord budgétaire, une quatrième vague de mesures a été annoncée. Cette quatrième vague vise à faire du renforcement de la politique de retour au travail un système intégré, articulé autour de trois priorités : la prévention de l’entrée en incapacité par la prévention et la détection précoce, le renforcement du suivi médical et de la réévaluation annuelle, ainsi que l’accélération de la réintégration et la responsabilisation de l’ensemble des acteurs concernés. Ces mesures feront l’objet de législations complémentaires.

PRINCIPALES MODIFICATIONS POUR LES TRAVAILLEURS ET LES ASSURES

Remplacement des « capacités résiduelles de travail » par le « potentiel de travail » : l’évaluation de l’incapacité de travail se fera désormais sur la base du potentiel de travail, une approche plus positive qui tient compte des capacités actuelles et futures du travailleur.

Renforcement de la collaboration aux trajets de réintégration : les travailleurs devront collaborer activement à l’évaluation de leur potentiel de travail et aux contacts de réintégration. Le défaut de collaboration entraînera des sanctions plus strictes, telles que la suspension ou la réduction des prestations en cas d’absences répétées sans justification valable.

Nouvelles obligations pour les bénéficiaires sans contrat de travail : ceux-ci devront s’inscrire, dans un délai de 14 jours, auprès d’un service compétent de réintégration et donner suite aux invitations à des contacts d’accompagnement. Le non-respect de ces obligations entraînera des sanctions, telles qu’une réduction de l’indemnité.

RESPONSABILITÉS DES ORGANISMES ASSUREURS

Suppression de la présomption d’incapacité de travail : la possibilité de réviser le statut d’incapacité de travail au cours d’un trajet de réintégration est élargie. La présomption ne subsiste qu’en cas d’hospitalisation ou de quarantaine pour cause de maladie contagieuse.

Responsabilisation financière : une partie des frais administratifs sera désormais répartie en fonction du succès des actions de réintégration et des résultats des contrôles thématiques effectués par les médecins.

NUMERISATION ET GESTION DES DONNEES

Création de la base de données GAOCIT : cette base de données centrale auprès de l’INAMI rassemble les certificats électroniques d’incapacité de travail de tous les assurés sociaux à des fins de collecte de connaissances. Les données sont utilisées pour l’analyse, le reporting et le développement de standards scientifiques en matière de comportement de prescription.

Datamining et feedback aux médecins : l’INAMI se voit conférer la compétence d’effectuer du datamining sur ces données et d’adresser aux médecins des rapports relatifs à leur comportement de prescription. À l’avenir, les médecins pourront être tenus financièrement responsables en cas de comportement de prescription déviant.

Vie privée et durée de conservation : la durée de conservation des données dans la base de données GAOCIT est limitée à cinq ans. Des règles claires sont prévues en matière d’accès, de traitement et de finalités des données. L’INAMI agit en tant que responsable du traitement.

NOUVELLES COTISATIONS ET SANCTIONS POUR LES EMPLOYEURS

Cotisation de solidarité en cas d’incapacité de travail de longue durée : les employeurs (à l’exception de ceux qui occupent en moyenne moins de 50 travailleurs au cours d’une période de référence déterminée) seront redevables d’une cotisation trimestrielle correspondant à 30 % du montant des indemnités versées aux travailleurs âgés de 18 à 54 ans en incapacité de travail depuis plus de 30 jours. Cette mesure vise à inciter les employeurs à s’engager activement dans la réintégration. Des exceptions sont prévues pour certaines catégories de travailleurs, telles que les travailleurs intérimaires et les flexi-jobbers. Les règles entreront en vigueur le 1er janvier 2026, mais uniquement pour les périodes d’incapacité de travail primaire prenant cours à partir du 1er janvier 2026.

Suppression de la cotisation de responsabilisation existante : la nouvelle cotisation de solidarité remplace l’ancienne cotisation trimestrielle de responsabilisation applicable aux employeurs présentant un taux élevé d’entrée en invalidité.

Sanctions en cas de non-respect des obligations de réintégration : les employeurs occupant 20 travailleurs ou plus qui ne demandent pas au médecin du travail d’initier un trajet de réintégration pour les travailleurs disposant d’un potentiel de travail dans les six mois suivant le début de l’incapacité de travail s’exposent à une sanction de niveau 2 au sens du Code pénal social. L’amende se voit multipliée par le nombre de travailleurs concernés.

ADAPTATIONS EN DROIT DU TRAVAIL

Mention obligatoire dans le règlement de travail : une politique active en matière d’absentéisme, et plus particulièrement une procédure relative au maintien du contact avec les travailleurs en incapacité de travail.

Un nouvel article I.4-71/2 du Code du bien-être au travail (encore à paraître au Moniteur belge) préciserait que cette procédure doit au minimum déterminer : 1° la ou les personnes chargées de contacter le travailleur en incapacité de travail ; 2° la fréquence des contacts. Cette procédure s’inscrit dans le cadre d’une politique active d’absentéisme visant à faciliter et à préparer le retour au travail en cas d’incapacité de travail. Elle n’a en aucun cas pour objet de vérifier le bien-fondé de l’absence du travailleur pour raisons de santé.

Allongement du délai de rechute : le délai pendant lequel un travailleur a droit au salaire garanti en cas de rechute est porté de 14 jours à 8 semaines. Ces règles s’appliqueront aux incapacités de travail survenant à partir du 1er janvier 2026.

Suppression de la limitation de la neutralisation du salaire garanti : la limitation à 20 semaines en cas de reprise partielle du travail est supprimée ; la neutralisation s’appliquera à nouveau à l’intégralité de la période de reprise du travail. Ces règles s’appliqueront aux incapacités de travail survenant à partir du 1er janvier 2026.

Adaptation de la force majeure médicale : la période d’incapacité de travail ininterrompue requise pour entamer une procédure de rupture du contrat de travail pour cause de force majeure médicale est réduite de 9 à 6 mois.

Limitation de la dispense de certificat médical : la dispense de présentation d’un certificat médical pour le premier jour de maladie est limitée à deux fois par année civile.

ENTREE EN VIGUEUR ET IMPACT POUR LES EMPLOYEURS

La loi entre en vigueur le 1er janvier 2026.

Le règlement de travail devra être adapté :

  • Les règles relatives à la dispense de présentation d’un certificat médical devront être modifiées.
  • Les employeurs qui ne disposent pas encore d’une procédure devront prévoir, dans le règlement de travail, une procédure de prise de contact avec les travailleurs en incapacité de travail (par le biais de la procédure normale de modification du règlement de travail, avec l’accord du conseil d’entreprise ou des travailleurs). Ceux qui disposent déjà d’une procédure devront vérifier sa compatibilité avec les nouvelles règles.

Les employeurs ne devront probablement pas craindre immédiatement des sanctions de l’inspection sociale, mais il est néanmoins recommandé de se mettre en conformité dans les meilleurs délais.  

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