C’est l’un des plus grands changements apportés par le Livre 6 pour le secteur immobilier : le maître de l’ouvrage disposera à compter du 1er janvier 2025 de la possibilité de se retourner directement contre le sous-traitant, ce qui lui était refusé jusqu’à présent.
L’abrogation de la quasi-immunité de l’auxiliaire (autrefois appelé l’agent d’exécution) empêchait le maître de l’ouvrage de disposer d’un pareil moyen d’action directement à l’égard du ou des sous-traitants. À l’inverse, sur la base de l’article 1798 de l’ancien Code civil, les sous-traitants disposent déjà d’une pareille action directe à l’égard du maître de l’ouvrage.
À l'heure actuelle, le maître d'ouvrage ne dispose généralement que de très peu de possibilités pour intenter une action contre un sous-traitant auquel l'entrepreneur principal a confié tout ou partie de ses propres travaux.
Contrairement au sous-traitant, qui dispose d'une action directe contre le maître d'ouvrage en vertu de l'article 1798 de l'ancien Code civil, le maître d'ouvrage ne peut intenter une action contre le sous-traitant sur la base de la responsabilité extracontractuelle qu'à deux conditions strictes :
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Il faut, tout d’abord, que le sous-traitant commette non seulement un manquement à une obligation contractuelle mais aussi un manquement à un devoir de diligence qui s’imposerait à tous ; et que
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Ce manquement cause un préjudice distinct de celui causé par le manquement contractuel.
À défaut de répondre à ces deux conditions – rarement remplies en pratique – il est impossible pour un maître de l’ouvrage de poursuivre l'agent d'exécution (par exemple, le sous-traitant) sur base extracontractuelle.
Actuellement, le maître de l’ouvrage se trouve dès lors démuni en cas de faillite de l’entrepreneur principal car il ne peut se retourner contre les sous-traitants de son cocontractant défaillant.
Notons toutefois que dans le Livre 5, déjà entré en vigueur le 1er janvier 2023, l’article 5.110 prévoit désormais qu’une action directe puisse être accordée par la loi en des termes très généraux. Cette disposition ouvre la porte à d’autres actions directes et des discussions sont également en cours au sujet des actions directes dans le cadre de la rédaction de la proposition de loi relative au Livre 7 (« Contrats spéciaux »). À ce stade, toutefois, seule l’action directe de l’auxiliaire serait prévue dans ce cadre (cf. art. 7.4.31 C. civ.).
Le Livre 6 prévoit une avancée remarquable à ce sujet dans son article 6.3 qui dispose que :
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Il est mis fin à l’interdiction actuelle de concours des responsabilités contractuelles et extracontractuelles en consacrant la liberté de choix des parties entre les deux systèmes de responsabilité (contractuelle et extracontractuelle) (§ 1) ;
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L’abrogation de cette interdiction ouvre la voie à la responsabilisation des agents d’exécution (appelés à présent auxiliaires) à l’égard du créancier de leur donneur d’ordre (§ 2).
Plus particulièrement, la responsabilité d’un sous-traitant pourrait, sur cette base, être mise en cause directement par le maître de l’ouvrage.
Comme tempérament, le législateur prévoit que le sous-traitant (ou plus généralement l’auxiliaire) pourra invoquer un double niveau de moyens de défense, tout d’abord tirés de son propre contrat, et ensuite tirés du contrat principal conclu entre le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur principal.